La trogne, arbre paysan aux mille usages

La taille des arbres en trogne ou en têtard témoigne d’une complicité historique entre les arbres et les agriculteurs.

trognes salix alba bouturés

Une approche productive de l’arbre née du génie paysan

La trogne est un arbre ou un arbuste, régulièrement taillé à la même hauteur, pour son bois, son feuillage, ses fleurs ou ses fruits.
La trogne est le résultat d’une technique d’exploitation de l’arbre auquel on a coupé le tronc ou les branches maîtresses à une hauteur choisie pour provoquer le développement de rejets que l’on récolte ensuite périodiquement.

Photo chêne avant/après trognage

Cette adaptation de l’arbre à des usages agricoles s’applique à la plupart des feuillus, plus rarement sur des conifères. Selon les essences et le cycle des tailles, les rejets fournissent du bois de chauffage (bûche ou plaquette), du fourrage, du bois d’œuvre et de travail (piquets, manches d’outils, poutres, charpente…) , des fruits… Ce sont les formidables capacités de l’ arbre à “travailler” qui ont conduit à l’expression : “working tree”, une traduction usuelle de “trogne” en anglais.

Les agriculteurs, les collectivités, les professionnels du paysage ou les particuliers redécouvrent progressivement l’étêtage des arbres. La création de taillis aériens présente tellement d’avantages !

Des centrales de production renouvelable

Photos trognes châtaignier et vaches

Réservoir de biodiversité, marqueur du paysage, patrimoine culturel original, une trogne bien conduite n’est pas un arbre mutilé, bien au contraire !

C’est une usine à biomasse et à biodiversité. Par l’expression de bourgeons dormants situés sous l’écorce, la taille stimule l’arbre dans sa croissance, tant aérienne que souterraine. Elle fait de l’arbre une ressource mobilisable pour l’agriculteur qui saura le gérer, au travers de tailles adaptées au fil des années.

Les cycles de tailles sont espacés d’une à plusieurs années selon les essences et les usages. Une quantité importante de biomasse (bois, feuillage) est ainsi produite et récoltée tout au long de la vie de l’arbre, excédant de beaucoup les rendements d’un arbre non trogné.

Des trognes, pour quoi faire ?

  • Pour faciliter la récolte des ressources ligneuses disponibles sur la ferme ou le territoire
  • Pour accroître les rendements en biomasse
  • Pour diversifier les usages et les services écologiques
Litière ferme de Merval

Le bois bocager à travers trois exemples de valorisation :

Fourrage :

Les arbres sont une ressource fourragère intéressante pour diversifier la ration alimentaire des animaux d’élevage et pallier les baisses de rendement en prairie à certaines périodes de l’année.

Litière :

Le remplacement de la paille en litière par des copeaux de bois est en plein essor. Plébiscité par de nombreux éleveurs, la litière bois suppose que l’arbre et la haie soient abondants et bien gérés à proximité des fermes.

Energie :

La mécanisation (taille et déchiquetage) permet de valoriser le bois de bocage et alimenter des chaudières locales.

photo cavité charme Nièvre Asfaux

Habitats pour la biodiversité

La formation de trous, courante sur les vieux arbres, est accélérée par les tailles cycliques réalisées sur les trognes… permettant de fournir un plus grand nombre d’abris dont l’importance est vitale pour la faune et les grands équilibres agro-écologiques.

Plessage et surplessage érable champêtre

Le plessage et la trogne pour bien conduire la haie

Comme la trogne, la haie plessée est une preuve de la formidable plasticité des arbres pour s’adapter aux besoins des agriculteurs.
Le plessage d’une haie suscite les mêmes réactions physiologiques de l’arbre que le trognage : une production importante de biomasse par l’émission de rejets qui seront à façonner dans la haie en fonction des utilisations souhaitées.

Plesser une haie peut être un bon moyen de la densifier au pied et de relancer sa vigueur. Comme l’étêtage, le plessage est un engagement sur le long terme, car il suppose d’intervenir régulièrement.

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Le fait de gérer des arbres sous forme de trognes ne se résume pas à une banale exploitation d’une simple « ressource ». En fait, cette pratique constitue pour le végétal la stimulation par la main de l’homme d’une forme de jeunesse considérablement prolongée.

»

Ernst Zürcher - Ingénieur forestier, Haute Ecole spécialisée Bernoise

photo plesse de saule cendré